Cet article est le premier d'une série de six recherches commandées à Rémi Guertin, Ph. D. Géographe, dans le cadre d'un Projet d'initiative du Conseil de quartier Saint-Sacrement et grâce au soutien financier du Conseil d'arrondissement de la Cité Limoilou.
Introduction
L’université
Laval a été fondée en 1852 par le Séminaire de Québec et endossée par un décret
de la reine Victoria, lequel permet à la nouvelle institution de
« conférer des degrés » (Université Laval, non daté). Trois facultés
occupent alors un bâtiment neuf, construit dans le Vieux-Québec : le
droit, la médecine et les arts. Toutefois, l’enseignement d’un nombre croissant
de disciplines et l’augmentation subséquente du nombre d’étudiants font en
sorte qu’avec le début du XXe siècle, l’université peine à loger l’ensemble de
ses activités à l’intérieur des vieux murs (Leclerc, 2013). C’est dans ce
contexte que le Séminaire décide, en 1918, de relocaliser certaines facultés en
dehors de la vieille ville, et plus précisément dans ce qui deviendra le
quartier Saint-Sacrement. Ce choix fait émerger la question suivante :
pourquoi avoir ciblé Saint-Sacrement quand le Séminaire pouvait installer
l’université à peu près n’importe où, les territoires à l’ouest de Québec
étant, pour l’essentiel, qu’une vaste campagne?
Une occasion
foncière?
Dès la première
décennie du siècle, des promoteurs immobiliers et fonciers se positionnent dans
ce qui deviendra les quartiers Montcalm et Saint-Sacrement : Montcalm
Land (1909), Quebec Park (1910), Dandurand Land Co. (1913),
pour n’en nommer que trois.
Il appert que ces entreprises ont été attirées non
seulement par la perspective de voir Québec déborder vers l’ouest, mais
également par le développement du parc industriel Saint-Malo, qui s’étend aux
pieds de la côte Saint-Sacrement; on espère à cette époque que les ouvriers
vont opter pour des résidences situées en haut. D’ailleurs, la compagnie
Dandurand Land Co. (du nom de son ancien propriétaire W.-H. Dandurand)
lance un chantier d’une trentaine de résidences, avec un soutien financier de
la Ville rendu possible par la « loi sur le logement ouvrier »
(Patri-Arch, 2012, 25). Toutefois, la Dandurand Land Co. éprouve des
difficultés et c’est auprès du Séminaire qu’elle trouve un appui, faisant du
Séminaire son créancier (Vallières, 2003). En 1920, le Séminaire devient
propriétaire de ce vaste terrain. Ainsi, une occasion foncière
serait à l’origine de ce choix pour Saint-Sacrement. Autrement dit, en
cherchant un terrain pour relocaliser certaines facultés, le Séminaire a fini
par trouver un promoteur à la recherche d’une aide financière; le reste de
l’histoire ayant en quelque sorte précipité le choix de Saint-Sacrement.
La
construction de trois bâtiments universitaires
En juin 1922,
« le Séminaire forme un comité de construction » (Ville de Québec,
1988, 69) pour encadrer le chantier de l’École de Chimie, dont les fondations
sont coulées en 1923. Le bâtiment, influencé par le courant Beaux-Arts, est
inauguré en 1925; il est l’œuvre des architectes Bergeron et Lemay (idem,
70). Le Séminaire aura déboursé environ 400 000 $ pour construire
l’École de Chimie, une somme qu’il a pu avancer grâce à une campagne de
financement nommée « Aide à Laval », à laquelle participe l’État
québécois (Vallières, 2003, 29).
https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/patrimoine/patrimoine_urbain/fiche.aspx?fiche=20530
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École de Chimie |
L’École des Mines, bâtie aux côtés de l’École de Chimie, est fondée en 1938; le chantier s’étire de 1939 à 1941, année où le bâtiment est inauguré. L’École des Mines, elle aussi d’inspiration Beaux-Arts, est l’œuvre des architectes Joseph-Siméon Bergeron et Paul Rousseau (Patri-Arch, 2012; Noppen et Morisset, 1998).
https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/patrimoine/patrimoine_urbain/fiche.aspx?fiche=20528
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École des Mines |
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École des Mines |
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Au sous-sol de l'École des Mines |
En 1948, le campus de
Saint-Sacrement accueille le pavillon Monseigneur-Vachon — aujourd’hui le
pavillon Simone-Monet-Chartrand — qui sert aux professeurs et aux étudiants. Il
est pour sa part d’inspiration Art déco (Ville de Québec, 1988).
https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/patrimoine/patrimoine_urbain/fiche.aspx?fiche=20529
La présence de ces bâtiments institutionnels a probablement eu un impact sur la qualité du cadre bâti des rues environnantes. De même, la rue de Vimy aurait possiblement été conçue comme une entrée monumentale menant au campus, d’où ce terre-plein qui lui donne des airs de majesté. Elle se trouve aujourd’hui à rappeler, pour ainsi dire, les anciens projets du Séminaire. Soulignons au passage que la rue de Vimy, dont le nom a été adopté par le conseil municipal en novembre 1921, commémore la Bataille de la crête de Vimy (Roy, 1932, 211).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_la_crête_de_Vimy
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Avenue de Vimy, vers 1940 |
L’abandon de
Saint-Sacrement et l’avènement du Collège F.-X.-Garneau
Avec le début des années 1940 émerge le projet d’un grand séminaire. Regardant du côté de Saint-Sacrement, il est clair que l’espace n’est pas suffisant pour y accueillir une telle institution. De plus, une nette préférence se dessine en faveur d’un regroupement en un même lieu du Grand Séminaire et de l’université. En 1942, « le Séminaire acquiert la propriété Brophy [...] puis, à l’instigation du supérieur du Grand Séminaire, Ernest Lemieux, jette son dévolu sur une partie de celle adjacente des Frères des Écoles chrétiennes s’étendant jusqu’au chemin du Vallon pour accueillir le reste de l’université » (Vallières, 2003, 30). C’est ainsi, dans un effort de regroupement de ses activités, que le Séminaire a finalement aménagé l’université Laval à Sainte-Foy. En 1962, le Séminaire vend les trois bâtiments du campus de Saint-Sacrement au ministère des Travaux publics (Patri-Arch, 2012, 26).
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En haut, à droite, vue des Écoles des Mines et celle de Chimie de l'Université Laval, vers 1985 |
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En haut, à gauche, l'École des Mines et celle de Chimie de l'Université Laval, vers 1948 |
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En haut, à gauche, l'École des Mines et celle de Chimie de l'Université Laval, vers 1948 |
Le Collège
François-Xavier-Garneau est créé en 1969 par la fusion du Collège des Jésuites,
de l’École normale Mérici et de l'École normale Laval. Rappelons que l’École normale Laval formait les professeurs qui allaient
enseigner dans les écoles primaires et secondaires. L’École normale Laval sera
logée un temps dans le Séminaire, pour être ensuite déménagée dans l’ancienne
villa de Guillaume-Eugène Chinic (aujourd’hui l’école Joseph-François-Perrault), laquelle fut
rapidement agrandie pour accueillir l’ensemble des activités de l’École
normale.
À la fin des années 1950, l’École normale Laval intègre de nouveaux locaux situés sur le boulevard de l’Entente. Pour sa part, le collège Garneau est initialement installé dans le Collège des Jésuites (boulevard René-Lévesque) avant d’être installé dans le bâtiment de l’École Normale Laval. Enfin, le cégep fera l’acquisition des bâtiments du boulevard l’Entente (CÉGEP Garneau, non daté).
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L'École Normale Laval, vers 1943 |
À la fin des années 1950, l’École normale Laval intègre de nouveaux locaux situés sur le boulevard de l’Entente. Pour sa part, le collège Garneau est initialement installé dans le Collège des Jésuites (boulevard René-Lévesque) avant d’être installé dans le bâtiment de l’École Normale Laval. Enfin, le cégep fera l’acquisition des bâtiments du boulevard l’Entente (CÉGEP Garneau, non daté).
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L'École Normal Laval, vers 1957 |
Le paysage de
Saint-Sacrement porte ainsi les traces d’anciens projets éducatifs qui ont eu
tendance à canaliser l’avènement d’activités plus récentes; les formes qui
caractérisent un quartier ayant une incidence sur son évolution.
Rémi Guertin Ph.D.
Géographe
Références
CÉGEP Garneau
(non daté), Profil de l’institution. Origine. site officiel (https://www.cegepgarneau.ca/cegep/institution).
Huguette Filteau
et Jean Hamelin, « CHINIC, GUILLAUME-EUGÈNE », dans Dictionnaire biographique
du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003, consulté le
22 nov. 2017.
Noppen, Luc et
Lucie K. Morisset (1998), Québec, de roc et de pierres. Québec,
Commission de la capitale nationale de Québec et Éditions MultiMondes.
Patri-Arch
(2012), Inventaire du patrimoine bâti des quartiers de Sainte-Foy, Sillery
et Saint-Sacrement à Québec. Synthèse architecturale et patrimoniale.
Étude réalisée dans le cadre de l’Entente de développement culturel intervenue
entre le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition
féminine du Québec et la Ville de Québec (https://www.ville.quebec.qc.ca/apropos/participation-citoyenne/conseils_quartier/saintsacrement/Visualiser.ashx?id=1438).
Richard Leclerc
(2013), « Le campus de l’Université Laval : lieu de modernisation
d’une institution universitaire catholique et du Québec. » Études
d’histoire religieuse 792 (2013) : 41–54. DOI :
10.7202/1018593ar (https://www.erudit.org/en/journals/ehr/2013-v79-n2-ehr0833/1018593ar.pdf).
Roy,
Pierre-Georges (1932), Les rues de Québec. Lévis (http://www.ourroots.ca/page.aspx?id=692821&qryID=aeedae8b-8123-42e7-8de6-310735a4d8b9).
Vallières, Marc
(2003), « L’enracinement dans la capitale et sa région », Cap-aux-Diamants,
Numéro 72, hiver 2003. Les Éditions Cap-aux-Diamants inc.,
pp. 27-31. URI : id.erudit.org/iderudit/7426ac (https://www.erudit.org/en/journals/cd/2003-n72-cd1045251/7426ac.pdf).
Ville de Québec
(1988), Montcalm Saint-Sacrement. Nature et architecture : complices
dans la ville. Québec, Ville de Québec.
Université Laval
(non daté), L’origine et histoire. Site officiel de l’Université Laval. https://www.ulaval.ca/notre-universite/a-propos-de-lul/lorigine-et-lhistoire.html
Pour aller
plus loin :
Dinel, G.
(2003). « Au fil des événements : De petits pas vers une grande
université ». Cap-aux-Diamants, (72), 82–90
Hamelin, Jean
(1995), Histoire de l'Université Laval : les péripéties d'une idée.
Sainte-Foy, Presses de l’université Laval (http://www.ourroots.ca/page.aspx?id=445790&qryID=d06343ba-42b7-45fe-a831-c305de18db9a).
Historica Canada (2103), article Université
Laval; http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/universite-laval/
Vedettes, 1952. Le fait
français au Canada , Première édition, Montréal, Société nouvelle de publicité,
1953, 717p., pp. 536-538
Références
iconographie
Façade de l'école de Chimie, vers 1930, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds L'Action catholique, cote : P428,S3,SS1,D13,P11-3.
Façade
de l'école des Mines de l'Université Laval, 1941. Archives de la Ville de
Québec; fonds de René Bureau; négatif : P050-4-N018982. https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=28684
Façade
arrière de l'école des Mines de l'Université Laval, 1942. Archives de la
Ville de Québec; fonds René Bureau; négatif : P050-4-N018978. https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=23845
Local du sous-sol de l'école des Mines, 1952 ou 1953. Archives de la Ville de Québec; Fonds de René Bureau; négatif : P050-4-N018992. https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=23650
Paroisse
St-Sacrement. Québec. Quartier résidentiel [rue de Vimy], ca. 1940.
Archives de la Ville de Québec; collection iconographique de la Ville de
Québec; négatif CI-N010749. https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=9667.
Vue
aérienne de Saint-Sacrement, ca 1985. Archives de la Ville de Québec; fonds
Ville de Québec; négatif Q-C5-IC-N029392. https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=26780. Le campus de
l’université Laval se devine dans la partie supérieure droite de la photo.
Vue
aérienne du quartier Saint-Sacrement, 1948. Archives de la Ville de Québec;
fond W. B. Edwards Inc.; négatif : P012-N023750. https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=12046 Le campus de l’université Laval se devine dans le coin supérieur gauche de la
photo.
Vue
aérienne de la paroisse Saint-Sacrement, 1948. Archives de la Ville de
Québec; fond W. B. Edwards Inc., négatif : P012-N023768. URL: https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=18400#.
Il est étonnant de voir comment Québec, à cette époque pas si lointaine, était
encore une vaste campagne.
Wikipédia (non daté), École
normale Laval. Neuville Bazin - BAnQ, Fonds MCC, E6,S7,SS1,P15605. Si
consulté en novembre 2017.
École normale
Laval (1957), Relation des fêtes du centenaire de l'École normale Laval :
1857-1957.
Nouvelle école normale Laval.
« Photo de la nouvelle école, sise sur le boulevard de l’Entente »,
page 68.
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