Chemin Sainte-Foy vers 1951

Chemin Sainte-Foy vers 1951
1951 Boucherie Bégin et les commerces avoisinants. Il s'agit d'une photographie représentant la boucherie Bégin située au 900, chemin Sainte-Foy, entre les avenues Saint-Sacrement et Marguerite-Bourgeoys. On y voit également les commerces avoisinants, dont la lingerie Leduc. Le cliché a été pris en direction nord. Fonds : Ville de Québec. Cote : Q-C1-14-N002934

lundi 4 décembre 2017

Avant le Cégep Garneau

Cet article est le premier d'une série de six recherches commandées à Rémi Guertin, Ph. D. Géographe, dans le cadre d'un Projet d'initiative du Conseil de quartier Saint-Sacrement et grâce au soutien financier du Conseil d'arrondissement de la Cité Limoilou.



Introduction

L’université Laval a été fondée en 1852 par le Séminaire de Québec et endossée par un décret de la reine Victoria, lequel permet à la nouvelle institution de « conférer des degrés » (Université Laval, non daté).  Trois facultés occupent alors un bâtiment neuf, construit dans le Vieux-Québec : le droit, la médecine et les arts. Toutefois, l’enseignement d’un nombre croissant de disciplines et l’augmentation subséquente du nombre d’étudiants font en sorte qu’avec le début du XXe siècle, l’université peine à loger l’ensemble de ses activités à l’intérieur des vieux murs (Leclerc, 2013). C’est dans ce contexte que le Séminaire décide, en 1918, de relocaliser certaines facultés en dehors de la vieille ville, et plus précisément dans ce qui deviendra le quartier Saint-Sacrement.  Ce choix fait émerger la question suivante : pourquoi avoir ciblé Saint-Sacrement quand le Séminaire pouvait installer l’université à peu près n’importe où, les territoires à l’ouest de Québec étant, pour l’essentiel, qu’une vaste campagne?

Une occasion foncière?

Dès la première décennie du siècle, des promoteurs immobiliers et fonciers se positionnent dans ce qui deviendra les quartiers Montcalm et Saint-Sacrement : Montcalm Land (1909), Quebec Park (1910), Dandurand Land Co. (1913), pour n’en nommer que trois. 


Il appert que ces entreprises ont été attirées non seulement par la perspective de voir Québec déborder vers l’ouest, mais également par le développement du parc industriel Saint-Malo, qui s’étend aux pieds de la côte Saint-Sacrement; on espère à cette époque que les ouvriers vont opter pour des résidences situées en haut.  D’ailleurs, la compagnie Dandurand Land Co. (du nom de son ancien propriétaire W.-H. Dandurand) lance un chantier d’une trentaine de résidences, avec un soutien financier de la Ville rendu possible par la « loi sur le logement ouvrier » (Patri-Arch, 2012, 25). Toutefois, la Dandurand Land Co. éprouve des difficultés et c’est auprès du Séminaire qu’elle trouve un appui, faisant du Séminaire son créancier (Vallières, 2003). En 1920, le Séminaire devient propriétaire de ce vaste terrain. Ainsi, une occasion foncière serait à l’origine de ce choix pour Saint-Sacrement. Autrement dit, en cherchant un terrain pour relocaliser certaines facultés, le Séminaire a fini par trouver un promoteur à la recherche d’une aide financière; le reste de l’histoire ayant en quelque sorte précipité le choix de Saint-Sacrement.

La construction de trois bâtiments universitaires

En juin 1922, « le Séminaire forme un comité de construction » (Ville de Québec, 1988, 69) pour encadrer le chantier de l’École de Chimie, dont les fondations sont coulées en 1923. Le bâtiment, influencé par le courant Beaux-Arts, est inauguré en 1925; il est l’œuvre des architectes Bergeron et Lemay (idem, 70). Le Séminaire aura déboursé environ 400 000 $ pour construire l’École de Chimie, une somme qu’il a pu avancer grâce à une campagne de financement nommée « Aide à Laval », à laquelle participe l’État québécois (Vallières, 2003, 29). 

https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/patrimoine/patrimoine_urbain/fiche.aspx?fiche=20530

École de Chimie

L’École des Mines, bâtie aux côtés de l’École de Chimie, est fondée en 1938; le chantier s’étire de 1939 à 1941, année où le bâtiment est inauguré. L’École des Mines, elle aussi d’inspiration Beaux-Arts, est l’œuvre des architectes Joseph-Siméon Bergeron et Paul Rousseau (Patri-Arch, 2012; Noppen et Morisset, 1998).    

https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/patrimoine/patrimoine_urbain/fiche.aspx?fiche=20528

École des Mines


École des Mines

Au sous-sol de l'École des Mines


En 1948, le campus de Saint-Sacrement accueille le pavillon Monseigneur-Vachon — aujourd’hui le pavillon Simone-Monet-Chartrand — qui sert aux professeurs et aux étudiants. Il est pour sa part d’inspiration Art déco (Ville de Québec, 1988).

https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/patrimoine/patrimoine_urbain/fiche.aspx?fiche=20529

La présence de ces bâtiments institutionnels a probablement eu un impact sur la qualité du cadre bâti des rues environnantes. De même, la rue de Vimy aurait possiblement été conçue comme une entrée monumentale menant au campus, d’où ce terre-plein qui lui donne des airs de majesté. Elle se trouve aujourd’hui à rappeler, pour ainsi dire, les anciens projets du Séminaire. Soulignons au passage que la rue de Vimy, dont le nom a été adopté par le conseil municipal en novembre 1921, commémore la  Bataille de la crête de Vimy (Roy, 1932, 211).

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_la_crête_de_Vimy


Avenue de Vimy, vers 1940


L’abandon de Saint-Sacrement et l’avènement du Collège F.-X.-Garneau

Avec le début des années 1940 émerge le projet d’un grand séminaire. Regardant du côté de Saint-Sacrement, il est clair que l’espace n’est pas suffisant pour y accueillir une telle institution. De plus, une nette préférence se dessine en faveur d’un regroupement en un même lieu du Grand Séminaire et de l’université. En 1942, « le Séminaire acquiert la propriété Brophy [...] puis, à l’instigation du supérieur du Grand Séminaire, Ernest Lemieux, jette son dévolu sur une partie de celle adjacente des Frères des Écoles chrétiennes s’étendant jusqu’au chemin du Vallon pour accueillir le reste de l’université » (Vallières, 2003, 30). C’est ainsi, dans un effort de regroupement de ses activités, que le Séminaire a finalement aménagé l’université Laval à Sainte-Foy. En 1962, le Séminaire vend les trois bâtiments du campus de Saint-Sacrement au ministère des Travaux publics (Patri-Arch, 2012, 26).



En haut, à droite, vue des Écoles des Mines et celle de Chimie
de l'Université Laval, vers 1985

En haut, à gauche, l'École des Mines et celle de Chimie
de l'Université Laval, vers 1948


En haut, à gauche, l'École des Mines et celle de Chimie
de l'Université Laval, vers 1948


Le Collège François-Xavier-Garneau est créé en 1969 par la fusion du Collège des Jésuites, de l’École normale Mérici et de l'École normale Laval.  Rappelons que l’École normale Laval formait les professeurs qui allaient enseigner dans les écoles primaires et secondaires. L’École normale Laval sera logée un temps dans le Séminaire, pour être ensuite déménagée dans l’ancienne villa de Guillaume-Eugène Chinic (aujourd’hui l’école Joseph-François-Perrault), laquelle fut rapidement agrandie pour accueillir l’ensemble des activités de l’École normale.


L'École Normale Laval, vers 1943

À la fin des années  1950, l’École normale Laval intègre de nouveaux locaux situés sur le boulevard de l’Entente. Pour sa part, le collège Garneau est initialement installé dans le Collège des Jésuites (boulevard René-Lévesque) avant d’être installé dans le bâtiment de l’École Normale Laval. Enfin, le cégep fera l’acquisition des bâtiments du boulevard l’Entente (CÉGEP Garneau, non daté).



L'École Normal Laval, vers 1957



Le paysage de Saint-Sacrement porte ainsi les traces d’anciens projets éducatifs qui ont eu tendance à canaliser l’avènement d’activités plus récentes; les formes qui caractérisent un quartier ayant une incidence sur son évolution.




Recherche et rédaction
Rémi Guertin Ph.D.
Géographe

Cet article a été rendu possible grâce au programme des projets d'initiatives des conseils de quartier de la Ville de Québec.


Références

CÉGEP Garneau (non daté), Profil de l’institution. Origine. site officiel (https://www.cegepgarneau.ca/cegep/institution).

Huguette Filteau et Jean Hamelin, « CHINIC, GUILLAUME-EUGÈNE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003, consulté le 22 nov. 2017.

Noppen, Luc et Lucie K. Morisset (1998), Québec, de roc et de pierres. Québec, Commission de la capitale nationale de Québec et Éditions MultiMondes.

Patri-Arch (2012), Inventaire du patrimoine bâti des quartiers de Sainte-Foy, Sillery et Saint-Sacrement à Québec. Synthèse architecturale et patrimoniale. Étude réalisée dans le cadre de l’Entente de développement culturel intervenue entre le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec et la Ville de Québec (https://www.ville.quebec.qc.ca/apropos/participation-citoyenne/conseils_quartier/saintsacrement/Visualiser.ashx?id=1438).

Richard Leclerc (2013), « Le campus de l’Université Laval : lieu de modernisation d’une institution universitaire catholique et du Québec. » Études d’histoire religieuse 792 (2013) : 41–54. DOI : 10.7202/1018593ar (https://www.erudit.org/en/journals/ehr/2013-v79-n2-ehr0833/1018593ar.pdf).

Roy, Pierre-Georges (1932), Les rues de Québec. Lévis (http://www.ourroots.ca/page.aspx?id=692821&qryID=aeedae8b-8123-42e7-8de6-310735a4d8b9).

Vallières, Marc (2003), « L’enracinement dans la capitale et sa région », Cap-aux-Diamants, Numéro 72, hiver 2003. Les Éditions Cap-aux-Diamants inc., pp. 27-31. URI : id.erudit.org/iderudit/7426ac (https://www.erudit.org/en/journals/cd/2003-n72-cd1045251/7426ac.pdf).

Ville de Québec (1988), Montcalm Saint-Sacrement. Nature et architecture : complices dans la ville. Québec, Ville de Québec.

Université Laval (non daté), L’origine et histoire. Site officiel de l’Université Laval.  https://www.ulaval.ca/notre-universite/a-propos-de-lul/lorigine-et-lhistoire.html

Pour aller plus loin :

Dinel, G. (2003). « Au fil des événements : De petits pas vers une grande université ». Cap-aux-Diamants, (72), 82–90

Hamelin, Jean (1995), Histoire de l'Université Laval : les péripéties d'une idée. Sainte-Foy, Presses de l’université Laval (http://www.ourroots.ca/page.aspx?id=445790&qryID=d06343ba-42b7-45fe-a831-c305de18db9a).

Historica Canada (2103), article Université Laval; http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/universite-laval/

Vedettes, 1952. Le fait français au Canada , Première édition, Montréal, Société nouvelle de publicité, 1953, 717p., pp. 536-538

Références iconographie

Façade de l'école de Chimie, vers 1930, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds L'Action catholique, cote : P428,S3,SS1,D13,P11-3.  

Façade de l'école des Mines de l'Université Laval, 1941. Archives de la Ville de Québec; fonds de René Bureau; négatif : P050-4-N018982.  https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=28684

Façade arrière de l'école des Mines de l'Université Laval, 1942. Archives de la Ville de Québec; fonds René Bureau; négatif : P050-4-N018978.  https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=23845 

Local du sous-sol de l'école des Mines, 1952 ou 1953.  Archives de la Ville de Québec; Fonds de René Bureau; négatif :   P050-4-N018992.   https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=23650

Paroisse St-Sacrement. Québec. Quartier résidentiel [rue de Vimy], ca. 1940. Archives de la Ville de Québec; collection iconographique de la Ville de Québec; négatif CI-N010749.  https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=9667.

Vue aérienne de Saint-Sacrement, ca 1985. Archives de la Ville de Québec; fonds Ville de Québec; négatif Q-C5-IC-N029392.  https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=26780. Le campus de l’université Laval se devine dans la partie supérieure droite de la photo.

Vue aérienne du quartier Saint-Sacrement, 1948. Archives de la Ville de Québec; fond W. B. Edwards Inc.; négatif : P012-N023750.   https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=12046  Le campus de l’université Laval se devine dans le coin supérieur gauche de la photo.

Vue aérienne de la paroisse Saint-Sacrement, 1948. Archives de la Ville de Québec; fond W. B. Edwards Inc., négatif : P012-N023768. URL: https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=18400#. Il est étonnant de voir comment Québec, à cette époque pas si lointaine, était encore une vaste campagne.

Wikipédia (non daté), École normale Laval. Neuville Bazin - BAnQ, Fonds MCC, E6,S7,SS1,P15605. Si consulté en novembre 2017.

École normale Laval (1957), Relation des fêtes du centenaire de l'École normale Laval : 1857-1957.

Nouvelle école normale Laval. « Photo de la nouvelle école, sise sur le boulevard de l’Entente », page 68.

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