Cet article est le quatrième d'une série de six recherches commandées à Rémi Guertin, Ph. D. Géographe, dans le cadre d'un Projet d'initiative du Conseil de quartier Saint-Sacrement et grâce au soutien financier du Conseil d'arrondissement de la Cité Limoilou.
L’émergence de certains pôles commerciaux le long du chemin
Sainte-Foy ou le long d’artères qui le croisent semble avoir suivi une sorte de
patron d’implantation puisqu’il y a vraisemblablement un lien entre les côtes
et le commerce. En effet, le long du coteau Sainte-Geneviève, là où il y a des
côtes il y a des pôles d’activités. Nous pouvons ainsi compter quatre côtes qui
portent dans leur partie supérieure autant d’artères ou de pôles
commerciaux :
• la rue Cartier qui est liée à la basse ville par les côtes
Sherbrooke et Salaberry;
• la rue Belvédère qui se transforme en côte de la
Pente-Douce (son pôle commercial est sur René-Lévesques);
• la rue Mayrand qui débouche sur la côte Branly;
• plus près de nos intérêts, la côte Saint-Sacrement et son pôle commercial du Chemin Sainte-Foy.
C’est probablement ce croisement de voies d’échanges et de
transit qui a contribué à l’émergence de ces commerces. Mieux encore, ils
semblent ponctuer le passage d’un niveau à un autre. Comme quoi, à
Québec, et plus qu’ailleurs peut-être, on ne peut échapper à la géographie!
Aussi, dans le cas du pôle commercial de Saint-Sacrement, il est difficile de
ne pas souligner le fait, en simplifiant un peu, qu’il semble encadré par deux
institutions : l’église à droite et l’école à gauche (si
nous faisons face au nord).
Selon un plan d’assurance de 1923, le secteur est très peu
construit : moins de dix bâtiments ornent les deux côtés du chemin
Sainte-Foy.
À ce moment, les quelques commerces ayant pignon sur rue étaient
probablement surmontés de logements; pour les propriétaires, c’était une façon
de rembourser plus rapidement la construction du bâtiment, s’ils n’habitaient
pas tout simplement au-dessus de leur magasin. Un plan d’assurance de la fin
des années 1960 montre que le secteur est entièrement construit : au
moins deux bâtiments portent la note « Aparts Over »
(appartements au-dessus), ce qui tend à confirmer notre intuition précédente.
Une photo de 1946 nous rappelle que le boulevard Wilfrid-Hamel
(parfois surnommé « route de Trois-Rivières »), accessible par la
côte Saint-Sacrement, était alors la seule façon d’atteindre Montréal; le
panneau indicateur, visible sur cette photo est on ne peut plus clair. Cet
accès vers Wilfrid-Hamel a probablement favorisé l’aménagement des deux
stations-service du quartier.
Tout d’abord, Imperial Oil (Esso par la suite)
avait pignon sur rue à l’intersection de Marguerite-Bourgeoys et du Chemin
Sainte-Foy. De cette station, il ne reste qu’un terrain vacant en attente d’un
nouveau projet; il est toujours la propriété d’Esso. Ensuite, il y avait à une
époque un Texaco à l’angle de la rue Père-Pelletier et du chemin Sainte-Foy.
Aujourd’hui, la station opère sous la bannière Eko. Ces deux stations-service
apparaissent sur un plan d’assurances du tournant des années 1960, avec la
disposition de leurs pompes.
Le pôle commercial de Saint-Sacrement aurait toujours
comporté un mélange de commerces, de restaurants et de services. Avant les
années 1950, Jos Boivin vend notamment « des tissus à la verge » et
des chaussures. Le pharmacien Maurice Boissinot s’était installé en face de
l’église, « à la demande des religieux » (du Très-Saint-Sacrement).
Jean-Baptiste Bilodeau, barbier de son métier, avait également pignon sur rue
sur le Chemin Sainte-Foy (Ville de Québec, 2016, 65).
Au tournant des années 1950, le pôle commercial de
Saint-Sacrement accueille une variété de commerces. Le quincaillier et épicier
Lucien Côté avait pignon sur rue à l’intersection de la rue Marguerite-Bourgeoys
et du Chemin Sainte-Foy.
À cette époque, les résidents du quartier étaient
desservis par la pharmacie Lachance. On y trouvait également la boucherie
Bégin, la lingerie Leduc, la mercerie Boivin, un restaurant « bière
vin », la pâtisserie Au friand et possiblement un greasy spoon
servant des « quick lunch/repas léger » (qui se devine au coin d’une
photo de 1951).
Ces photos anciennes du pôle commercial de Saint-Sacrement
nous rappellent comment les commerçants ont généralement cherché — et cherchent
encore — à être dans le vent. Il n’y a qu’à regarder la photographie de
la pharmacie Lachance, dont l’édifice, fort probablement construit avant la
guerre, arbore fièrement une façade résolument moderne (au sens de
l’architecture de l’après-guerre). Autrement dit, l’architecture commerciale,
sinon les devantures de magasins, sont souvent des instantanés des goûts et
tendances du moment.
Au tournant des années 1960, le secteur comportait une
succursale de la Banque d’économie de Québec ainsi qu’une caisse populaire. Si
la caisse pop a toujours pignon sur rue, la Banque d’économie a été
remplacée par une Banque Nationale. Rappelons que la Banque d’économie de
Québec était intégrée à la Banque populaire en 1968, laquelle fusionne avec la Banque Nationale en 1970.
Il est intéressant de souligner comment les institutions financières utilisent
l’architecture pour exprimer dans le paysage leur position dans le système
social. Et à ce titre, sur le Chemin Sainte-Foy, la Banque Nationale et
Desjardins, qui occupent la même rive (le même côté de la rue) — qui a donné le
mot rival — donnent l’impression de deux coqs de faïence qui se font la
parade. Chose certaine, leurs bâtiments respectifs sont plutôt flamboyants
comparativement à l’architecture de cette portion de rue.
Le pôle commercial à la tête de la côte Saint-Sacrement a
donc évolué au fil des ans, des modes et des besoins. À une époque,
l’automobile a certainement contribué au développement du quartier
Saint-Sacrement et de son pôle commercial. Aussi, sa composition a été le
reflet de nos habitudes commerciales et de notre façon de vivre la ville. Cette
dernière pouvait par exemple favoriser l’ouverture d’une quincaillerie ou d’une
boucherie de quartier. Aujourd’hui, notre façon de vivre la ville est plus éclatée
et prend appui sur des réseaux qui se tissent à des échelles qui dépassent les
limites de notre quartier. De même, le commerce électronique, l’organisation du
commerce en centres commerciaux et la mobilité contemporaine ont également une
incidence sur nos façons de consommer et donc sur la composition du pôle
commercial de Saint-Sacrement. Encore aujourd’hui, la dynamique du pôle
commercial de Saint-Sacrement n’est que le reflet de notre façon de vivre la
ville. Qui sait de quoi il sera fait demain!
Vos souvenirs
L’histoire du commerce dans Saint-Sacrement est une histoire
qui reste à faire, dans la mesure où elle est constituée, en partie du moins,
d’un quotidien fait de petites choses. C’est qu’une partie de cette histoire
est constituée d’anecdotes associées à des commerces passés. Et ce sont les
commerçants et les citoyens qui sont les dépositaires de cette histoire. Vous
avez des souvenirs et des anecdotes rattachés à un commerce de Saint-Sacrement?
Vous vous souvenez d’une ambiance particulière? Alors, profitez des
commentaires pour… écrire l’histoire!
Rémi Guertin Ph.D.
géographe
Référence
Ville de Québec (2016), « Arrondissement de La
Cité-Limoilou » dans la collection Découvrir Québec. Québec,
Service des communications, Ville de Québec.
Iconographie
Goad, Charles Edward (1910-1922), Insurance plan of the
city of Quebec, Canada. Montreal : Chas. E. Goad, civil engineer.
Disponible sur le site de la BANQ à http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2244201?docref=N_kbZIe7Rc5lCZ0L0lVc1A
Underwriters' Survey Bureau (1923), Insurance plan of the city of Quebec,
Canada. Toronto; Montreal : Underwriters' Survey Bureau. Disponible
sur le site de la BANQ à http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2247055?docref=5ve07dUvmQBMdPXKvPBLeQ.
Underwriters' Survey Bureau (1957-1961), Insurance plan
of the city of Quebec, volume 1. Toronto ; Montreal : Underwriters' Survey
Bureau Limited. Disponible sur le site de la BANQ à http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2244127?docref=whtQi3XDdA0woVP39AM73A.
Pharmacie Lachance, 1951. Archives de la Ville de
Québec; fonds de la ville de Québec; négatif : Q-C1-14-N002931. URL :
https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=23103
Boucherie Bégin et les commerces avoisinants (1951).
Archives de la Ville de Québec; fonds de la Ville de Québec;
photographie : Q-C1-14-N002934. URL : https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=23105.
Mercerie Boivin et les commerces voisins (1951),
Archives de la Ville de Québec; négatif : Q-C1-14-N002937. URL : https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=23099.
Épicerie et la quincaillerie Côté (1951). Archives de
la Ville de Québec; négatif : Q-C1-14-N002938. URL : https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=33684.
Intersection de l'avenue Marguerite-Bourgeoys et du
chemin Sainte-Foy (1951). Archives de la Ville de Québec; négatif :
Q-C1-14-N002706. URL : https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=33719.
Intersection de l'avenue Marguerite-Bourgeoys et du
chemin Sainte-Foy (1948). Archives de la Ville de Québec;
négatif : Q-C1-14-N002707.
URL : https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=33720.
Commerces situés sur le chemin Sainte-Foy (1951). Archives de la Ville de Québec;
négatif : Q-C1-14-N002935.
URL : https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=33682
Le chemin Sainte-Foy coin Holland (1946). Archives de la Ville de Québec; négatif : Q-C1-14-N001417
Incendie au restaurant Chez Camille (1978). Archives de la Ville de Québec; négatif: P059-N400133. URL: https://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/archives/recherche/archive.aspx?aid=13762
Les commerces de Saint-Sacrement (1951). Photographie des
Archives de la Ville de Québec (photographie : Q-C1-14-N002918) publié sur
le site Mon Montcalm. Site consulté
en décembre 2017 à https://monmontcalm.com/2017/commerces-de-saint-sacrement-1951/
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