Chemin Sainte-Foy vers 1951

Chemin Sainte-Foy vers 1951
1951 Boucherie Bégin et les commerces avoisinants. Il s'agit d'une photographie représentant la boucherie Bégin située au 900, chemin Sainte-Foy, entre les avenues Saint-Sacrement et Marguerite-Bourgeoys. On y voit également les commerces avoisinants, dont la lingerie Leduc. Le cliché a été pris en direction nord. Fonds : Ville de Québec. Cote : Q-C1-14-N002934

vendredi 8 novembre 2019

L'héritage du collège des Jésuites

Dans le cadre d'une collaboration spéciale avec la Société historique de Québec, cet article publié dans la revue Québecensia en mai 2019 est repris intégralement sur le blogue Saint-Sacrement illustré. 

par Gabriel Boivin, président de l’Association des Anciennes et des Anciens du Collège Saint-Charles-Garnier (C’2016)




Le quartier Saint-Sacrement possède d’innombrables richesses. L’édifice du Collège Saint-Charles-Garnier en constitue un élément patrimonial incontournable. Érigé en 1935, il est le digne successeur du collège des Jésuites, premier établissement d’enseignement en Amérique du Nord. Celui-ci avait été construit sur l’emplacement actuel de l’hôtel de ville (note 1) en 1635, soit 10 ans après l’arrivée en Nouvelle-France des premiers missionnaires jésuites, qui s’employaient principalement à éduquer les jeunes de la colonie.

Pour des raisons politico-religieuses, l’enseignement par les Jésuites au Québec a été interrompu pendant un peu plus d’un siècle. Après le décès du père Casot en 1800, les Jésuites ont été absents de la colonie jusqu’au début des années 1840 (note 2). En 1930, les Jésuites sont revenus à leur mission d’éducation des jeunes canadiens-français à Québec. Tout d’abord logés dans le presbytère de la paroisse Notre-Dame-du-Chemin (note 3), les pères ont jugé bon d’avoir pignon sur rue et ont inauguré l’édifice actuel le 25 septembre 1935 (note 4). Fait intéressant concernant la construction : le collège devait initialement être bâti en brique, mais en raison d’un grand risque de chômage dans une carrière près de Québec, les Jésuites ont offert de l’emploi à 20 tailleurs de pierre et obtenu ainsi du granit au prix de la brique. En vue de l’inauguration, on a gravé dans la pierre et dans l’histoire l’inscription suivante : « COLLÈGE DES JÉSUITES – SAINT-CHARLES-GARNIER ». Pour doter l’établissement d’un écusson et d’une devise, sculptés dans le bois à l’entrée du collège, le révérend père Olivier Hudson-Beaulieu s’est inspiré des armoiries de la famille de saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, et d’un psaume synthétisé en deux mots : Scutum Veritas (note 5).


Collège Saint-Charles Garnier : la façade rappelle les dates importantes de l’institution.
(Source : Sylvain Brousseau, 2012, 
Wikimedia commons)
 

À sa construction, le collège n’avait pas l’ampleur architecturale actuelle. Un premier agrandissement, à l’est, construit de 1952 à 1954 sous l’égide du révérend père Paul Mayer, abrite plusieurs salles de classe, des bureaux et une salle de spectacle. Celle-ci est appelée salle Marquettejusqu’en 1991, année où on inaugure une salle qu’on a complètement transformée pour en augmenter l’utilisation. Un ancien, Jean-Paul Tardif (C’1943) (note 6), apporte une contribution importante au projet. C’est pourquoi la salle est nommée en son honneur. Dans les années 1950, le Collège se dote aussi d’une bibliothèque grâce à un don de Lucien Moraud, sénateur de 1933 à 1951.

De plus, les deux imposants gymnases à l’arrière du collège sont apparus plus tard. Les jeunes sportifs ont dû attendre 1963 pour qu’une première salle destinée au sport fasse son apparition : le gymnase Paul-Émile-Côté. Grâce à une importante campagne de financement lancée en 1960, dont l’un des principaux artisans donnera son nom à la palestre (note 7), le Collège Saint-Charles-Garnier se dote d’installations sportives contemporaines. Comme il s’agit du premier gymnase moderne de la ville de Québec, plusieurs compétitions de haut niveau s’y tiennent, et ce jusqu’à l’arrivée du Pavillon de l’éducation physique et des sports (PEPS) de l’Université Laval en 1971. Quant au deuxième gymnase, il est inauguré le 4 septembre 1987 grâce à la participation financière de deux anciens, Paul et Denis Jalbert (C’1938 et 1964). Récemment, ces lieux d’activité physique et d’accueil des élèves ont subi une importante mise à niveau. Depuis septembre 2018, les élèves peuvent profiter du fruit de ces rénovations orchestrées par l’architecte et ancienne Élizabeth Bouchard (C’1994).


Évidemment, le Collège Saint-Charles-Garnier n’a pas connu que des améliorations physiques. D’autres importantes transformations, notamment éducatives, ont eu lieu, particulièrement dans la deuxième partie du XXe siècle. L’abandon du cours classique – qui avait d’ailleurs été apporté en Nouvelle-France par les Jésuites –, dans le contexte de la création des cégeps, constitue un changement majeur pour le Collège : pour la première fois, des collégiennes déambulent dans les corridors de l’établissement! Toutefois, les garçons verront bientôt avec chagrin les filles quitter le Collège. La section collégiale déménagera quelques rues plus loin, pour fonder le Cégep François-Xavier Garneau, aujourd’hui Cégep Garneau. Il s’en suit une période creuse pour les inscriptions qui, dans la foulée de cette transition, passent de 1000 à 435. Plus tard, en 1981, alors que les Jésuites avancent en âge et que leur nombre diminue, une organisation laïque appelée Le Collège Saint-Charles-Garnierprend les rênes de l’école. Cependant, les Jésuites demeurent propriétaires de l’établissement jusqu’en 1987. Le changement de direction entraîne la naissance de la Fondation du Collège en 1982 et, en septembre 1984, pour la première fois, des filles font leur entrée au secondaire.

Bien que 384 ans se soient écoulés et que l’édifice ait changé, l’institution est restée. Les éducateurs continuent, d’année en année et jour après jour, d’instruire et d’éduquer des jeunes de manière rigoureuse en leur transmettant la vision d’une vie qui doit être vécue pour et avec les autres en visant toujours l’excellence et le dépassement de soi.

Si vous passez par le quartier Saint-Sacrement, n’hésitez pas à vous arrêter au collège et prenez le temps d’admirer le bâtiment. Si on vous ouvre la porte, laissez-vous imprégner par l’histoire et la richesse architecturale des lieux. Tendez attentivement l’oreille. Peut-être entendrez-vous en écho les enseignements d’un père jésuite ou encore les premiers débats de personnalités marquantes pour le Québec…


(Source : Collection Alex Tremblay Lamarche)
Notes

1   Encore aujourd’hui, devant l’hôtel de ville de Québec, où on honore l’œuvre des Jésuites, il est possible d’apercevoir la pierre frontispice du vieux collège des Jésuites portant l’inscription IHS. 
2  À la suite de la Conquête, les Britanniques interdisent aux Jésuites tout recrutement. Plusieurs religieux rentrent en France, de sorte que leurs effectifs diminuent. Le Collège doit fermer en 1776. En 1773, le pape avait aboli l’ordre. Le père Jean Casot, le dernier jésuite survivant à Québec, meurt en 1800. L’ordre est restauré en 1814 et les Jésuites reviennent au pays en 1842.
3  Situés sur l’avenue des Érables, l’église et le presbytère ont malheureusement été démolis en 1999.
4  Informations tirées de : Les Jésuites, pionniers de l’enseignement au Canada (1635-1985), Québec, 8 décembre 1984. Publié pour le 350e anniversaire du Collège, ce document comprend la retranscription d’émissions radiophoniques diffusées en 1950 pour promouvoir une campagne de financement visant à agrandir l’édifice (la Société historique de Québec avait d’ailleurs collaboré à la réalisation de ces émissions). À cette retranscription s’ajoutent des renseignements recueillis entre 1950 et 1984. Une véritable mine d’information pour qui s’intéresse à l’histoire du Collège! Il est possible d’en consulter un exemplaire aux archives du Collège Saint-Charles-Garnier.
5  « Mon bouclier c’est la vérité. »
6  « C’ » renvoie à la cohorte, à l’année d’obtention du diplôme de l’élève. 
7  Paul-Émile Côté a été propriétaire de la Laiterie Laval – aujourd’hui Natrel.Il a aussi été un important donateur pour le Collège, et ce à partir des années 1940, alors que ses deux fils fréquentaient l’établissement. À l’image de leur père, Pierre et Jacques Côté ont également aidé leur alma mater une fois devenus associés de leur père.

samedi 28 septembre 2019

La riche histoire de l'hôpital du Saint-Sacrement

Dans le cadre d'une collaboration spéciale avec la Société historique de Québec, cet article publié dans la revue Québecensia en mai 2019 est repris intégralement sur le blogue Saint-Sacrement illustré. 

par Alex Tremblay Lamarche, historien


Un nouvel hôpital pour la haute-ville (1922-1927)

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le père Auguste Pelletier, fondateur et premier curé de la paroisse du Très-Saint-Sacrement, déplore que la haute-ville ne dispose que d’un seul hôpital, l’Hôtel-Dieu de Québec, alors que les besoins se font de plus en plus importants à l’ouest du cœur historique. Il existe certes l’hôpital Jeffery Hale sur le boulevard Saint-Cyrille, mais celui-ci se destine à la population protestante. (ref. 1) Parallèlement, le docteur Arthur Rousseau, doyen de la Faculté de médecine de l’Université Laval, souhaite doter l’institution d’un hôpital universitaire.
À compter de 1922, les deux hommes œuvrent donc de concert avec d’autres notables de la ville pour mettre sur pied un hôpital qui doit, dans un premier temps, être pris en charge par les Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec. Or, celles-ci se retirent du projet en cours de route. La construction devient beaucoup plus complexe que prévu malgré le soutien du gouvernement. Au terme de nombreux efforts, elle est finalement achevée en octobre 1927 et les Sœurs de la Charité de Québec acceptent d’assumer l’administration de l’hôpital sous la direction d’une organisation laïque. (ref. 2)

Le bâtiment initial de l’Hôpital du Saint-Sacrement (renommé depuis pavillon Rousseau-Dagneau) était à ses débuts entouré d’une ferme et d’espaces verts. (Source : T. Lebel, Vue éloignée de l’hôpital Saint-Sacrement, 1928, Bibliothèque et Archives nationales du Québec [BAnQ], Centre d’archives de Québec, P600,S6,D1,P130) 


Les premières années (1927-1939)
L’Hôpital du Saint-Sacrement ouvre officiellement ses portes le 13 décembre 1927, date à laquelle il reçoit sa première patiente. Les lieux offrent à leurs débuts 300 lits pour les pauvres et 80 pour les malades plus fortunés. En sus des services de médecine et de chirurgie, l’hôpital compte une école d’infirmières, des services de radiologie, de physiothérapie, d’ophtalmologie, d’oto-rhino-laryngologie et de pédiatrie ainsi que des laboratoires d’anatomopathologie, de bactériologie et de chimie médicale. (ref. 3)

Après une formation en physiothérapie à Paris de 1922 à 1926 (notamment auprès du célèbre radiologiste Antoine Béclère), le docteur Edmour Perron (1887-1954) se joint à l’Hôpital du Saint-Sacrement dès son ouverture. Il y est le premier à pratiquer la radiologie et la radiothérapie. (Source : Sœurs de la Charité de Québec, Album-souvenir de l’hôpital du St-Sacrement, 1927-1949, Québec, Tremblay & Dion inc., 1949) 

Le docteur Rousseau, premier directeur médical de l’établissement, veille à ce que l’hôpital soit doté de médecins au fait des plus récentes découvertes dans leur domaine. Il encourage ses confrères à aller parfaire leur formation à l’étranger. Bon nombre d’entre eux se rendent en France, où le docteur Rousseau dispose de plusieurs relations et amis. Il faut dire que l’Hôpital du Saint-Sacrement cherche à s’inscrire davantage dans la tradition médicale française que dans celle qui se développe alors aux États-Unis. Il n’est donc pas surprenant que la majorité de l’équipement médical dont l’établissement se dote pour être à la fine pointe de la technologie provienne principalement de France et, dans une moindre mesure, d’autres pays européens. À l’époque, l’hôpital est plein de médecins en matinée, mais presque désert en après-midi, parce que les médecins alternent pratique et enseignement. (ref. 4)
En 1936, l’établissement devient la propriété des Sœurs de la Charité de Québec. Après avoir fonctionné sous le contrôle d’un bureau de direction laïque, il passe entre les mains des religieuses pour que soit absorbée la dette de 1 500 000 $ accumulée au fil des ans. (ref. 5)


Pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de membres du personnel de l’Hôpital du Saint-Sacrement sont mobilisés par le conflit. Aux dires du docteur J. Édouard Morin, l’établissement aurait confié, « sans hésitation et en toute connaissance de cause, une partie si importante de son équipe professionnelle, que proportionnellement, nulle autre Institution n’a dépassée». (ref. 6)
Dans les hôpitaux militaires locaux et situés dans les zones de conflit, les infirmières formées à l’école des infirmières de l’hôpital se distinguent par leur professionnalisme et la qualité de leur formation. Plusieurs se démarquent en Angleterre, en Belgique et en Afrique.

Le docteur Renaud Lemieux (1900-1983) fut directeur médical de l’hôpital de 1940 à 1975. Il contribua à ce titre à la modernisation de l’établissement tout en s’investissant corps et âme dans l’enseignement de la médecine. Un pavillon porte son nom. (Source : Sœurs de la Charité de Québec, Album-souvenir de l’hôpital du St-Sacrement, 1927-1949, Québec, Tremblay & Dion inc., 1949)
Quelques médecins se font également remarquer sur le front. Pensons entre autres aux docteurs Jules Gosselin et Jean de St-Victor. Le premier organise et surveille les services radiologiques de l’armée canadienne tout en participant à la campagne d’Italie, alors que le second est attaché au septième hôpital militaire en Angleterre, où il pratique la chirurgie pendant pratiquement tout le conflit. À Québec, quelques médecins de Saint-Sacrement se portent volontaires pour œuvrer à l’hôpital de Valcartier, à l’hôpital militaire de l’Hospice Saint-Charles et à l’hôpital militaire érigé sur les plaines d’Abraham. L’Hôpital du Saint-Sacrement doit donc fonctionner avec des effectifs réduits. Le départ de plusieurs de ses médecins en vient à « paralyser, dans une certaine mesure, les rouages de [l’]institution ». (ref. 7)


Le fonctionnement d’un hôpital avant la castonguette (1945-1968)
Au terme de la Seconde Guerre mondiale, l’Hôpital du Saint-Sacrement récupère une partie de ses effectifs qui avaient été déployés lors du conflit un peu partout en Europe, en Afrique et au Canada. L’institution, passée sous la direction du docteur Renaud Lemieux en 1940, se modernise dans les années 1940 et 1950. Elle obtient ainsi en 1944 une subvention de 24 000 $ pour la construction d’un bâtiment destiné à accueillir l’école des infirmières et la résidence du personnel. L’Hôpital du Saint-Sacrement se dote également de nouveaux services à cette époque. Pensons entre autres à celui de service social médical (le premier à Québec), aux cliniques neuropsychiatrique et anticancéreuse (1949) ainsi qu’à la Clinique du glaucome (1950). En 1960, on inaugure le pavillon D’Youville, qui porte la capacité des lieux à approximativement 500 lits. (ref. 8)

Il existe un département d’ophtalmologie à l’Hôpital du Saint-Sacrement depuis son ouverture en 1927. Sous la direction du docteur Henri Pichette, ce département prend rapidement de l’importance. Une clinique du glaucome ouvre en 1950. Au début des années 1960, une unité de recherche sur les maladies de l’œil naît à l’instigation du docteur Alain Rousseau. (Source : Sœurs de la Charité de Québec, Album-souvenir de l’hôpital du St-Sacrement, 1927-1949, Québec, Tremblay & Dion inc., 1949)


Le fonctionnement de l’hôpital diffère alors sensiblement de ce qui se fait aujourd’hui. On y trouve plusieurs grandes salles communes comptant de nombreux lits. Ce n’est pas non plus tout le monde qui a accès aux soins de santé (d’où la présence de lits pour les plus démunis). Les hommes et les femmes ont également des rôles bien définis au sein de l’institution : la gent masculine se charge ainsi des soins des malades et de l’entretien du bâtiment, tandis que la gent féminine veille à l’assistance infirmière aux patients et à l’administration des lieux. Rappelons que l’établissement est la propriété des Sœurs de la Charité depuis 1936 et que plusieurs religieuses résident sur place et y œuvrent. Les épouses et les filles des médecins s’engagent quant à elles activement au sein de l’établissement, dans un comité de dames charitables, pour lui donner un visage plus humain et amasser des fonds.
À compter des années 1960, les choses commencent à changer tranquillement. En 1962, la loi sur les hôpitaux fait passer les établissements de santé sous le contrôle de l’État. Dorénavant, chacun d’eux doit obtenir un permis d’exploitation et se conformer à la réglementation administrative. Au cours de la décennie, l’hôpital est constitué en personne morale et les Sœurs de la Charité cèdent les lieux à la nouvelle organisation. Après avoir été dirigée pendant plus de 40 ans par une religieuse, l’institution voit son premier directeur général laïque, Paul Pleau, en prendre la tête en 1968. Cela n’empêche pas l’Église de demeurer présente dans les murs de l’hôpital – notamment par un service de pastorale –, mais celle-ci se fait de plus en plus discrète.

Le développement d’un hôpital alliant recherche et expansion (1968-1995)
Le tournant des années 1970 est marqué par d’importants changements à l’Hôpital du Saint-Sacrement. Tandis qu’il se modernise avec l’ouverture du pavillon Henri-Pichette (1967), la nomination d’un premier directeur général laïque (1968) et la formation de la première cohorte de diététistes à Québec (1968), il voit une partie de ses médecins (dont plusieurs occupaient des postes clés) quitter les lieux pour participer à l’organisation médicale et scientifique du CHU (centre hospitalier universitaire) qui vient d’ouvrir. (ref. 9)  Qui plus est, les jeunes femmes désireuses de devenir infirmières sont dirigées vers les cégeps à la suite de leur ouverture et l’école des infirmières de l’hôpital met la clé sous la porte.

Dès la fondation de l’Hôpital du Saint-Sacrement, ce dernier se dote d’une école d’infirmières. Celle-ci formera près de 2000 jeunes femmes. La création des cégeps et le transfert de la formation d’infirmière à ces établissements d’éducation auront finalement raison de cette école, dont on voit l’une des dernières cohortes sur cette photo. (Source : Conseil des Amicalistes,Science et charité,Québec, Hôpital Saint-Sacrement, printemps 1972, p. 48) 

On continue de moderniser les lieux et on supprime les dernières salles communes qui n’avaient pas été réaménagées. Au cours des années 1970 et 1980, plusieurs centres de recherche et départements appelés à un bel avenir voient le jour à l’Hôpital du Saint-Sacrement. Pensons entre autres au Centre régional d’hématologie (1973), à la Clinique des maladies du sein (1974), au Centre suprarégional pour les grands brûlés de l’Est du Québec (1984) et au Laboratoire de culture cutanée (1985), qui en viennent à se distinguer sur la scène locale, régionale et même, dans certains cas, internationale. En 1992, la Clinique des maladies du sein est ainsi invitée à participer « à la plus grosse recherche américaine en prévention du cancer du sein subventionnée par l’institut du cancer des États-Unis». (ref. 10)  Le docteur François Auger, quant à lui, attire l’attention de la communauté scientifique internationale en réussissant à fabriquer pour la première fois des vaisseaux sanguins biologiques en 1998.

Sœur Cécile Coulombe (1910-2003) occupe successivement la direction des finances et la direction générale de l’Hôpital du Saint-Sacrement de 1954 à 1968. Elle a contribué à la modernisation de l’établissement et en a administré les finances avec beaucoup de doigté. Un pavillon porte son nom. (Source : Collection des Sœurs de la Charité de Québec

La réorganisation d’un hôpital dans un contexte d’optimisation des ressources (1995-2018)
Au milieu des années 1990, le contexte de « rareté de ressources » amène la régie régionale et le ministère de la Santé à se montrer « de plus en plus prudents et réticents à accorder des équipements ou encore, l’autorisation d’acquérir certains équipements qui auraient pour effet de créer une nouvelle activité interne surtout si cette activité est ultraspécialisée et qu’elle dédouble des services existants, provoquant ainsi une dispersion régionale des compétences et des infrastructures». (ref. 11) Plusieurs hôpitaux de la région ferment leurs portes, tandis que d’autres se regroupent. Certains perdent quelques-uns de leurs départements, d’autres sont appelés à miser sur leurs forces et à se spécialiser. À la suite du changement de mission du centre hospitalier Jeffery Hale, l’Hôpital du Saint-Sacrement voit ainsi croître sa clientèle anglophone et récupère certains laboratoires de cet établissement.
En 1995, l’Hôpital du Saint-Sacrement et l’Hôpital de l’Enfant-Jésus sont regroupés pour former le CHA (centre hospitalier affilié universitaire de Québec), dont la fusion fait « le principal centre d’hématologie de l’Est du Québec » et « le principal centre de diagnostics, de traitements, de recherche et d’enseignement pour les maladies du sein». (ref. 12) À la suite du regroupement, plusieurs des fleurons de l’Hôpital du Saint-Sacrement partent vers d’autres établissements de la région. On souhaite tantôt regrouper les forces vives dans un domaine à un même endroit, tantôt donner plus d’espace à des chercheurs qui se sentent à l’étroit à Saint-Sacrement. L’hôpital voit ainsi son département d’hématologie et de greffe osseuse (1999) et son centre des grands brûlés (2002) partir vers l’Enfant-Jésus, et son département d’obstétrique-gynécologie (2004) être transféré à l’Hôpital Saint-François d’Assise.
En contrepartie, Saint-Sacrement voit le Centre des maladies du sein Deschênes-Fabia prendre de plus en plus d’ampleur. De même, la recherche et les soins en ophtalmologie se développent considérablement, au point où le Centre universitaire d’ophtalmologie de Québec s’y implante autour de 2006. Parallèlement, l’hôpital continue de se moderniser. On y procède entre autres à l’automatisation de la distribution des médicaments en 1998 et au forage d’un puits de géothermie visant à favoriser l’efficacité énergétique dans une perspective de développement durable en 2012. Une nouvelle fusion a par ailleurs lieu au cours de la même année : le CHA et le CHUQ (Centre hospitalier universitaire de Québec) se regroupent pour former le CHU de Québec. Le regroupement compte dorénavant cinq hôpitaux : le CHUL (Centre hospitalier de l’Université Laval), les hôpitaux de l’Enfant-Jésus, du Saint-Sacrement et de Saint-François d’Assise et l’Hôtel-Dieu de Québec. 


Références

1  Patrick Donovan, « L’hôpital Jeffery Hale : 150 ans de relations interethniques », Cap-aux-Diamants,n° 121 (printemps 2015), p. 27.
2  Jean-Marie Delage Roy, Notes pour servir à l’histoire de l’Hôpital Saint-Sacrement, 1989, p. 4-5.
3  Hôpital du Saint-Sacrement,Planification stratégique, mission et orientation, avril 1988.
4  Roy, op. cit.,p. 33.
5  Francine Roy, Yvonne Ward et Nive Voisine, Histoire des Sœurs de la Charité de Québec, tome II : Des maisons de charité, Beauport, Publications MNH, 1998, p. 198.
6  J. Édouard Morin, « Allocution prononcée à l’occasion du retour de la guerre des 24 médecins et infirmières de l’hôpital du Saint-Sacrement », 1945, p. 4, Archives des Sœurs de la Charité de Québec, L059/D.03.
7  Ibid.,p. 8.
8  Centre hospitalier affilié universitaire de Québec, « Hôpital du Saint-Sacrement : 70 ans (1927-1997) », 1997, p. 1-2.
9  « Internat en diététique : premières diplômées à Québec », Le Soleil,13 juin 1968, p. 39.
10 Louise Lemieux, « La plus vaste recherche américaine sur le cancer du sein : les USA recrutent St-Sacrement », Le Soleil, 30 avril 1992.
11 Hôpital du Saint-Sacrement,Planification stratégique, orientations 1993-1998, mai 1994, p. 19, Archives de l’Hôpital du Saint-Sacrement.
12 Communiqué de presse : Fusion de deux hôpitaux majeurs, 13 décembre 1994, Archives de l’Hôpital du Saint-Sacrement.